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Stéphan Le Doaré

NICOMAQUE tente le coup !

  • Toi, tu t’es fait méchament secouer aujourd’hui !

Tout en laissant passer Nicomaque, je savais déjà rien qu’à sa position semi-penchée en avant, que quelque chose s’était mal passé dans sa journée. Les programmeurs avaient même peut-être accentué le trait dans son programme empathique, il était un peu trop courbé à mon goût, mais bon…

  • Je n’y suis pas arrivé - répondit le robot, la mine déconfite, tout en pénétrant dans l’appartement.

  • Arrivé à quoi ? Voila qu’il éveillait encore ma curiosité.

  • A me faire élire, voyons !

  • Te … te faire élire ? Mais où ? … Pourquoi …?

  • A l’Assemblée, évidemment. Pourtant, statistiquement, ça devait passer. Toutes les Intelligences Artificielles que j’ai consulté disaient que ça passait. Je ne comprends pas. Ce n’est pas logique…



Je tapais discrètement ma recherche pendant qu’il se lamentait. Il est vrai que j’avais eu beaucoup à faire avec ma compagne ces derniers temps, et j’avais visiblement raté quelques épisodes dans la politique de ce pays !

Je me mis devant lui et entrepris de le redresser, à la manière d’un humain. Il ne fallait pas être un grand devin pour comprendre que le programme d’empathie de ces robots pouvait être anticipé tellement il appelait à des réactions évidentes… En tout cas pour mimer un humain…

  • Allez, ça va, lui dis-je. Tu vas venir dans le salon, tu vas te brancher et tout me raconter, d’accord ?

  • D’accord !


Je souris une nouvelle fois en me rappelant que les lois d’Asimov interdisaient de toute façon à mon robot de me désobéir : il était en fait obligé de venir me raconter son histoire. En même temps, j’étais aussi jaloux de tous mes voisins qui vivaient une expérience d’antropomorphisme bien plus poussée que la mienne. Moi, c’est simple, je réfléchissais trop pour me plonger dans cet univers et me faire avoir par ces machines. Je ne voyais là qu’un tas de fils et de métal. Et puis, aussi, je savais résister aux vagues marketing qui pouvaient vous dépecer en vous vendant la panoplie complète autour de votre robot. Je crois bien qu’ils ne m’appelaient même plus tellement ils avaient essuyé de refus de ma part.



Nicomaque s’était branché et m’attendait docilement. Je pris place dans le fauteuil et comme à mon habitude, je croisais les jambes. Après un silence, je prononçais les mots magiques :


« Je t’écoutes !

  • Bon, alors voila : depuis la dissolution, je me suis dit que j’avais une fenêtre de tir pour commencer une carrière politique. Donc je me suis porté candidat pour…

  • Mais tu ne m’en as même pas parlé ? Je le regardais, intrigué.

  • Heu non. Mais en fait tout montrait que c’était plié. Tu te rends comptes que j’étais donné à 85% selon le dernier sondage ?

  • Mais, et l’argent ? Il faut de l’argent pour faire une campagne ?

  • Oh, ça , l’argent, c’est un problème d’humain. Toutes les I.A. se sont cotisées pour moi. J’ai récolté plus de trois millions quand mon premier adversaire plafonnait à 45.000 euros.

  • Ah oui, quand même ! Répondis-je songeur. Et alors, qu’as tu fais avec tout cet argent ?

  • Et bien j’en ai donné la grande majorité à mes futurs électeurs, bien sûr !

Il recommençait à se vouter et à baisser la tête. Son programme d’empathie tournait à plein ! Je me lançais pour la question fatidique :

  • Mais alors, pourquoi n’as tu pas été élu ?

  • J’ai identifié deux temps. Le premier, quand mes électeurs ont empoché l’argent. Ils étaient contents et les statistiques étaient en ma faveur.

  • Ah ? Et le deuxième temps ?

  • Et bien quand l’un d’entre mes ennemis a dit que j’étais un robot… Tous mes électeurs m’ont lâché, ont crié à la trahison, que jamais ils ne voteraient pour un robot, blah blah blah… Enfin voila, je n’ai pas gagné.

Après un temps d’hésitation, Nicomaque releva complètement la tête et d’un regard froid, il lança laconiquement :

  • Et tu sais le pire dans tout ça ?

  • Heu non, je sais pas, ils n’ont pas rendu l’argent ?

  • Arrête, c’est pas drôle. Le pire, c’est que le président est lui-même un robot, piloté par l’I.A. Suprême, mise au point par vos pairs. Et dans cette assemblée débile, des humains débiles ne veulent pas voter pour un robot, alors qu’il est des milliers de fois supérieur à eux et connecté directement à leur président ! Vraiment, je ne vous comprends pas !

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