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Stéphan Le Doaré

Le culte urgent du sens critique (2/2)

Dernière mise à jour : 22 mars 2023

A la suite du premier post que vous pouvez retrouver ici, je vous propose d'analyser l'impact des réseaux sociaux sur notre société et sur notre pouvoir de décision.

Avant l'arrivée de ces réseaux sociaux, nous nous réunissions dans de longues réunions

Avant l'arrivée de ces réseaux sociaux, nous nous réunissions dans de longues réunions pour débattre de nos positions respectives. Les possibilités de choix étaient nombreuses, j'ai l'habitude de dire que nous avions le côté noir (le non), le côté blanc (le oui) et les "50 nuances de gris" allant du blanc au noir. Bref, une multitude de possibilités s'offraient à nous et nous exprimions notre point de vue.


Le premier apport néfaste des réseaux sociaux aura été de proposer au monde entier nos sentiments et nos pensées. Plus encore, ils conservent nos dires ad vitam eternam de telle sorte qu'on peut, des années plus tard, nous voir opposer une phrase qu'on aura prononcé dans un autre contexte. Cet autre contexte est lui même très mal appréhendé car il peut être d'ordre temporel, géographique, économique, etc ou tout cela ensemble. Par exemple, il faudrait donc arriver à se rappeler du temps qu'il faisait, de l'action en bourse tout en étant en vacance, décontracté, lâchant sur Facebook une information qui nous semblait alors complètement anodine. Le fait d'exposer au monde notre pensée a eu pour effet de réduire les interventions et les commentaires. Les plus timides iront alors se cacher derrière un pseudo tandis que ceux qui sont bien identifiés vont prendre de grosses pincettes à chaque intervention.

Le fait d'exposer au monde notre pensée a eu pour effet de réduire les interventions et les commentaires.


Mais revenons à nos 50 nuances possibles. Les développeurs informatiques, pour mieux connaitre leurs affiliés, vont alors mettre en place un système de "j'aime, j'aime pas" vieux comme les jeux romains, à savoir : le pouce levé pour aimer, le pouce baissé pour détester. Exit donc les nuances. On est d'accord franchement, pas d'accord franchement ou alors... on ne dit rien. On ne dit rien mais on n'en pense pas moins. Il n'empêche, le pli est pris, l'habitude va peu à peu investir la manière de réagir : on dit "ok", on dit "pas d'accord", mais la nuance disparait peu à peu de l'équation.

on dit "ok", on dit "pas d'accord", mais la nuance disparait peu à peu de l'équation.

La transformation ne s'arrête pas là. Non contents de découper en deux parties franche l'opinion, certains réseaux, friands de simplicité, iront jusqu'à éliminer le pouce vers le bas, le fameux "pas d'accord". Twitter, par exemple, ne permet pas de dire qu'on n'est pas d'accord. Ce type de réseau va provoquer une réaction simple et "monomodale" : on est d'accord avec un pouce levée ou alors... "on se casse". Après la disparition des 50 nuances de gris, voila qu'on supprime le noir de l'équation. Ne reste que le blanc immaculé représentant la totale soumission à l'idée, le "d'accord" absolu et la fabrique d'une communauté de gens qui pensent tous exactement pareil. De l'autre côté, le "pas d'accord" sera contraint de déguerpir de la liste d'amis, chassé par l'instinct grégaire des internautes tous ligués contre lui. Le bannissement est de mise, le jugement est implacable. Certains perdront la face, poursuivis par des haineux qui les entraineront parfois jusqu'au suicide.

on est d'accord avec un pouce levée ou alors... "on se casse" !

Ainsi chassé, l'internaute addict va se tourner vers une autre communauté. Il subira peut-être les foudres d'autres groupes mais un jour il trouvera le sien. Les communautés en silo se côtoient ainsi sur Internet, et ce quel que soit le sujet de regroupement. On peut se retrouver dans un groupe politique (d'un extrême à l'autre), sexuel (homo, hétéro, LGBTQ...), platiste (5000 personnes se sont réunies à Marseille pour se conforter dans l'idée que la Terre est plate), spéciste (qui aime les animaux plus que les hommes, portant plainte pour sauver les rats vivant leur meilleure vie dans les poubelles parisiennes), sportif, artistique, etc... Toujours, la sentence est la même : tu aimes mon groupe ou tu te casse. Une conséquence secondaire est que la personne qui est dans le groupe sait qu'elle peut dire tout ce qu'elle veut. Ainsi, plus de retenue. Les propos (souvent pseudonymisés) dépassent le "politiquement correct" mais ce n'est pas grave parce qu'accepté par le groupe. Le groupe avalise, dirige, isole la pensée.


La conséquence de cette pensée monomodale en silo est aujourd'hui malheureusement bien visible. Les idées de tous les extrêmes distillent dans la société. La violence sociale augmente sans discontinuer. Loin, très loin de l'idéal de départ, les réseaux dit sociaux sont en train d'opposer la société dans son ensemble, la morcelant tout en renvoyant dos à dos les différentes sous-populations ainsi créées.


La porte de sortie, encore une fois : le culte urgent du sens critique !

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