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Stéphan Le Doaré

La France, L'OTAN et la souveraineté...

Je vous propose une série de posts issus de travaux destinés à un think tank et qui pourront contribuer à la compréhension d'enjeux actuels...


Le premier opus examine donc la place de la France dans l'OTAN à l'heure ou un changement de gouvernance se fait jour. Le Conseil de l’Atlantique nord, plus haute instance civile gouvernant l’Otan, a en effet approuvé la nomination de l’amiral français Pierre Vandier au poste de "commandant suprême allié transformation" (SACT).



1.   Introduction

L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a été créée en 1949 par 12 États, dont la France. Elle assure la sécurité et la défense de l’espace euro-atlantique.

La défense collective est, depuis sa fondation, la responsabilité première de l’Alliance. Ce principe est consacré dans l’article 5 du traité de Washington, qui stipule que : « une attaque armée contre l’une ou plusieurs [des parties] sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties » et chacune d’entre elles « prendra telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord ».

À ce jour, l’article 5 a été invoqué une fois, en réponse aux attentats terroristes du 11 septembre 2001.

L’OTAN est une alliance défensive qui prend des mesures de dissuasion et de défense contre toute menace d’agression et contre tout défi sécuritaire émergent qui compromettrait la sécurité fondamentale d’un ou de plusieurs Alliés. Le concept stratégique de 2010 rappelle que « la dissuasion, articulée autour d’une combinaison appropriée de capacités nucléaires et conventionnelles, demeure un élément central » de la défense collective de l’OTAN. Depuis la mise en place de l’OTAN, aucun des États qui en est devenu membre n’a eu à subir d’attaque conventionnelle de la part d’un autre État sur son sol.

 

L’OTAN compte aujourd’hui 30 membres. Son siège se situe à Evere en Belgique. Son Secrétaire général est depuis le 28 mars 2014 le Norvégien Jens Stoltenberg. Le commandement des forces alliées (SACEUR) est actuellement le général américain Tod Wolters. Comme nous l'avons vu en introduction, le SACT (commandant suprême allié transformation) est l'amiral français Pierre Vandier.

 


L'amiral français Pierre Vandier

La France est le 3ème contributeur aux budgets militaires et civil (clé de répartition unique de 10,63%) de l’OTAN, après les États-Unis (22,14%) et l’Allemagne (14,65%), devant le Royaume-Uni (9,85%) et l’Italie (8,41%). 

 

En 2020, le budget de défense de la France représentait 5 % des dépenses totales de défense de l’Alliance. La France respecte également les directives de l’OTAN en matière de dépenses de défense (2 %) et de dépenses d’équipement (20 %)[1].

 

 

2.   Historique de la relation France / Otan

 

Sans rentrer dans les détails, on peut distinguer trois phases.

-> Appartenance de la France à l’OTAN, de sa création en 1947 à 1966. Ici on peut noter la compréhension de la France que les États-Unis veulent et voudront toujours garder la maitrise pour contrôler les risques.

-> 1967 à 2007 : sortie du commandement intégré, grâce (entre autres) à la mise en place d’un triple vecteur nucléaire : Missile nucléaire AN-11/Mirage IV/projection via C-135F. La France devient une nation nucléaire qui compte[2].

-> 2007 à aujourd’hui : réintégration du commandement intégré de l’OTAN par le président Nicolas Sarkozy

 

Si on regarde le parcours du général De Gaulle[3] on comprend aisément qu’il soit méfiant envers les Etats-Unis qui n’auront eu de cesse de l’écarter des décisions tout au long et après la seconde guerre mondiale.

Ajoutons enfin qu’historiquement parlant, l’OTAN aurait dû de facto être démantelé à la chute du mur de Berlin, lors de l’effondrement du communisme puisque c’est cette menace qui donnait de facto vie à cette organisation.

 

3.   Autres organismes

 

L’Europe : L’Europe ressemble aujourd’hui à un mycélium financier. Ses subventions sont partout. Les pays jouent tous le jeu de la récupération du maximum de subventions. Des fonds sont créés et « fixent » les entreprises et les pays par des pactes et des crédits. Chaque jour, le tricotage européen emmaillote les pays entre eux. D’un autre côté, une compétition féroce se joue en termes de guerre économique, partie dans laquelle nous autres français, ne sommes ni correctement armés, ni en meilleure place[4].

Quant à l’Europe de la Défense, elle semble toujours être une chimère, si l’on est d’accord pour refuser différents partages, en relation avec une partition de défense, et en termes de guerre économique. Il en va ainsi du partage d’information par nos différents services (DGSE, renseignement militaire), de nos technologies de défense (échec de coopération avec les Allemands, échec de vente du Rafale et pire, achat de F35 par des Polonais qui touchent pourtant des subsides européens), de nos forces armées (va-t-on se faire tuer pour un Portugais, un Finlandais ou un Polonais ? Quelle notion idéologique, quel sentiment sous-tendrait cette envie ?), de nos forces nucléaires (est-on d’accord pour engager notre force nucléaire pour un autre pays européen ?)

Autre zone d’intérêt, le Pacifique, où nous avons des enjeux importants : quelles alliances sont-elles possibles pour la France ? On voit là aussi la difficulté d’une patte européenne dans ce type d’affaire, bien éloignée de l’Union. Mais alors quelle sera notre politique ? va-t-on protéger nos richesses (mines, nodules sous-marins, etc.) ou laisser la place à l’Europe ou à l’OTAN ?

 

4.   Alignement versus non-alignement français

 

Historiquement, la place de la France dans une sorte de troisième voie non alignée lui conférait des pouvoirs qu’elle n’a plus. D’abord un pouvoir économique, permis par un rapport différent avec certains pays eux-mêmes non alignés. Ensuite un pouvoir diplomatique car le fait qu’un allié puisse porter une autre parole forçait à la nuance dans la discussion.

Aujourd’hui, la Turquie truste ce rôle de négociateur, avec une armée puissante, une industrie de vente d’armes qui fonctionne (cf par exemple les drones militaires Bayraktar TB2 [5])

Pour rappel, la France a complètement raté le virage des drones malgré quelques soubresauts actuels, avec des similitudes terribles avec l’économie de l’Intelligence Artificielle. Ma proposition est de recentrer nos efforts en contrôlant la « matière première » de l’énergie face à l’I.A. comme la Chine a contrôlé la matière première lorsqu’elle s’est éveillée en devenant l’outil de production du Monde. L’expertise française en énergie devrait être valorisée au maximum pour avoir dans ce secteur une puissance, permettant ensuite de retrouver une voix forte.

Autre sujet à développer dans l’éventualité de médiation française, le corps diplomatique et consulaire français pourrait être redéployés, grâce à un réseau géographique pas encore tarit.

Enfin, le fait d’avoir une armée d’excellence mais échantillonnaire[6] (i.e. qui tiendrait 3 jours sur un front de 40km quand le front ukrainien fait aujourd’hui 1000 km) est à prendre en considération, de même que donner 40 canons Caesar représente 1/3 du parc français. Si on accepte ces chiffres, la meilleure attitude à adopter est d’exporter cette excellence, tant matérielle qu’intellectuelle. Et donc, de retrouver des marges de manœuvres pour ce faire.


5.   De la souveraineté

 

La souveraineté n’est pas une notion quantique. À la différence du chat de Schrödinger qui peut être ou ne pas être présent dans une boite, la souveraineté ne peut exister dans le même état pour deux niveaux de pouvoirs différents (État/nation versus Europe, État/armée versus OTAN). La souveraineté est donc soit française, soit européenne ; la souveraineté de défense est soit française, soit otanienne. La souveraineté est excluante par principe.

Alors, tout dépend des plans pour la France. Plans à court, moyen et long terme (par exemple, les Chinois ont un plan jusqu’en 2049, échantillonné sur 5 ans[7]…). Que peut-on penser par exemple, des travaux du Commissariat au Plan ?

Finalement, cette question est éminemment politique bien plus que militaire et devrait donc être renvoyée au peuple en premier lieu car tout propos n’engagerait ici que le rédacteur.

 

 

6.   Bilan de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN

 

Le président Sarkozy a fait rentrer la France dans le commandement intégré de l’OTAN sous prétexte de rendre possible et crédible une Europe de la défense et faire taire les critiques à ce sujet[8]. Force est de constater l’échec de cette politique tant au niveau de l’OTAN qu’au niveau de la construction d’une Europe de la Défense. Le point culminant de cet échec sera la déclaration du président Macron en 2019, présentant alors l’OTAN en « mort cérébrale ». L’invasion de l’Ukraine par les troupes Russes redonnera un sang neuf à l’Organisation, redynamisant sa communication et son rôle potentiel.

Aujourd’hui, on parle même d’un autre périmètre d’action pour l’OTAN (Atlantique nord, Moyen Orient, Indo-Pacifique...) sans pour autant en avoir clairement redéfini son rôle, puisque la menace communiste n’est plus.

 

 

7.   Adaptation moderne de l’OTAN ?

 

Durant l’après-guerre froide, la notion de guerre a évolué. Nous n’avons plus donné autant de crédit à certaines formes de guerre. Le terrorisme s’est développé. La France a revu sa doctrine.

Avec la redéfinition des dangers, avec l’actualité ukrainienne mais pas que, la guerre de haute intensité est revenue sur le devant de la scène tandis que le terrorisme refaisait son apparition avec comme dernier exemple en date l’acte terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023. Entre les deux, continuent d’exister des guerres de faible et/ou moyenne intensité. Aujourd’hui, la question de l’OTAN n’est pas seulement de savoir son déploiement géographique possible, mais aussi de savoir si cet organe est vraiment adapté à l’environnement moderne de la guerre. Étant conçu « by design » pour des affrontements de haute intensité et même, à profil nucléaire, la question de la légitimité de l’OTAN dans des guerres de moyenne/faible intensité et plus encore dans des actions terroristes se pose réellement.

Une autre question dans cette modernisation possible : est-il acceptable de laisser la gouvernance entre les mains uniques des Américains, alors que leur suprématie mise à mal par la montée des BRICS+ et la perte d’hégémonie du dollar risque de les pousser dans des rapports de force dans lesquels nous serions alors automatiquement entrainés ?

Dans ces velléités, il faut aussi noter aujourd’hui les inquiétantes auto-adjudication de pouvoirs dépassant les compétences acquises. Plusieurs exemples en témoignent :  commission européenne[9], expansion OTAN[10]. En termes d’accords de défense extra-européens, que penser aussi du dernier, signé entre la France et l’Ukraine [11] de trois milliards d’euros des mains du Président Macron, sans consultation du parlement ? Ce genre de traité engage : qui devrait signer ? Un OTAN modernisé ? l’Europe ? Le pays, s’il est « non-émancipé » ?

Ajoutons enfin un point de vue économique souvent oublié, les bons salaires des militaires travaillant au sein de l’OTAN, qui rend la discussion sur un éventuel départ de la France du commandement intégré très compliqué. Les salaires OTAN sont indexés sur les salaires américains : les salaires français peuvent tripler, ceux de certains petits pays européens se voir multipliés par 20. Il est alors difficile de porter critique.

 

 

8.   Conclusion

 

La question de la place de la France dans l’OTAN peut s’envisager sous forme de deux scénarii distincts.

Scénario 1 : la France se fond dans l’OTAN dont les missions sont redéfinies. Dans ce scénario, la France ne gagnera jamais le leadership propre à récupérer des marges de manœuvre (d’autant que cela a déjà échoué par le passé). Le risque d’entrainement dans des guerres qui ne nous concernent pas reste alors grand.

Scénario 2 : la France tente de retrouver une troisième voie, dans une prise de risque remarquée et remarquable. Encore faudrait-il pour cela retrouver une diplomatie digne de ce nom sur laquelle s’appuyer pour défendre cette troisième voie, par ailleurs antinomique avec les prises de positions politiques actuelles.

 

En tout état de cause, c’est une question éminemment politique qu’il faudrait remettre dans les mains de la démocratie. Ni les militaires, ni l’exécutif, ni l’Union Européenne ne devraient décider de cette question.

 

Stéphan Le Doaré - 26/02/2024


[2] Cf article de J.B. Pinatel – « La France et l’Organisation militaire du traité de l’Atlantique Nord - Une appartenance en contradiction avec nos intérêts nationaux ? » - Le nouveau conservateur N°9 – Dec. 2022

[3] Voir la biographie “Charles De Gaulle » – Éric Roussel 2002

[8] Ibid. J.B. Pinatel – « La France et l’Organisation militaire du traité de l’Atlantique Nord - Une appartenance en contradiction avec nos intérêts nationaux ? » - Le nouveau conservateur N°9 – Dec. 2022


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