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Stéphan Le Doaré

La Chine, le Weiki et les nouvelles routes de la soie...

Qui n'a jamais joué au Go ne peut pas comprendre la mentalité chinoise. Vous voulez comprendre un Chinois ? Apprenez ce jeu... Ou lisez la suite, votre serviteur va tenter de défricher le terrain !

L'Europe est le terrain des Échecs. Un jeu de plateau, avec des pièces différentes (pion, cavalier, Roi, Reine, etc.) qui avancent pour capturer l'adversaire. Des Grecs aux rois de France en passant par les croisades, on imagine bien la bataille rangée, frontale, entre César et Vercingétorix. L'Europe est le terrain des Échecs....


Le Go, c'est autre chose. Il faut commencer par effacer tout ce vernis occidental et se placer dans un état d'esprit de commerçant, d'échange. D'ailleurs, les premières fois qu'on joue au Go en venant des échecs, cet esprit de conquête de l'autre fait qu'on se prend de sévères déculottées. Le Go (Weiki, en chinois) se joue à deux, sur un plateau quadrillé que l'on nomme goban et sur lequel on pose des jetons appelés "pierres", blanc contre noir. Le premier principe du jeu, c'est de constituer un territoire en posant ses pierres. Un peu comme si on érigeait une frontière, petit à petit. Il n'est pas dit que l'autre ne fasse pas de même, son propre territoire. Après tout, il en a le droit, comme les peuples frontaliers ont leur propre territoire. C'est une question d'entente. On peut parfois, d'ailleurs, envahir le territoire de l'autre, mais il faudra aussi connaitre la bienséance de ce jeu. Certaines actions ne se font pas, par respect pour l'adversaire.



Une deuxième image qui me vient pour essayer de définir la philosophie de ce jeu est double. C'est un mix entre la reconstitution d'un robot liquide dans Terminator et un mycélium, la partie enfouie des champignons, sorte de maillage géant ressemblant à de la crépine de porc, et duquel surgissent nos Giroles et autres Trompettes de la mort. Voici où je veux en venir : chaque pierre posée sur le plateau peut l'être n'importe où. La pierre suivante peut se trouver à l'opposé du coup précédent. Les possibilités de coup, bien plus importantes qu'aux Échecs (limités par le sens de la marche, toujours vers l'adversaire), s'amenuisent au fil de la partir, à mesure que des pierres sont posées. La beauté de ce jeu est qu'au fil du temps, certaines pierres vont se "connecter" à d'autres pierres, parfois très longtemps après qu'elles aient été jouées. Un peu comme le liquide du Terminator qui se reconnecte en se retrouvant. Dans le même temps, ces pierres une fois connectées sont dites "vivantes". On ne peut plus "tuer" ce territoire, en quelque sorte. Ainsi, de même qu'un mycélium, on voit apparaitre sur le goban un réseau connecté de pierres qui prennent vie à un moment. Un insignifiant ou incompréhensible coup de début de partie devient un coup de maître par la suite.



C'est ce genre de coup à priori incompréhensible qu'AlphaGo a infligé à Lee Sedol, le champion de Go, (9eme Dan et second joueur dans le monde en 2016 par le nombre de titres internationaux), défait par la machine. Le code d'honneur est tellement fort dans ce jeu que Lee Sedol a tout simplement abandonné le Go à la suite de ses défaites.

La digitalisation a fait voler en éclat une institution, le jeu de Go, avec un impact dans les ménages asiatiques dont nous, européens, avons du mal à percevoir la violence.

Cette façon de placer des pierres, d'abord insignifiantes puis très importantes bien plus tard, représente exactement la manière dont la Chine investit économiquement aujourd'hui dans le monde. C'est très déstabilisant, voire même, notre vision occidentale des choses fait qu'on n'y comprend rien.


Et un jour, tout se connecte. L'acquisition réalisée permet d'apporter un brevet qu'il manquait, la concession de mine permet de fournir les terres rares qu'il fallait, le rapprochement diplomatique avec tel pays permet telle action pour permettre l'avancée de la construction des Nouvelles Routes de la Soie. La Chine ne pense pas en terme frontal et a les moyens humains et monétaires de sa politique. Et il faut être clair, nous n'avons pas les moyens de jouer aux échecs. Les affrontements directs nécessitent une posture qui est plutôt celle de Donald Trump.

Il est donc temps de se mettre au jeu de Go !


Stéphan Le Doaré

@stephanledoare

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