Janus, le dieu aux deux visages, aurait été jaloux de l'Intelligence Artificielle (I.A.). En effet, l'I.A. se pose en rivale idéale du dieu romain, proposant le meilleur et le pire à nos sociétés. Le meilleur avec des découvertes édifiantes (Médecine, analyse, voitures, espace, etc.) et le pire avec l'asservissement des populations (perte de la différenciation, orientation choisie de nos préférences, crédit social, etc.). La vision du futur aurait fait loucher le visage de l'avenir...
Ainsi, les gouvernements, les entreprises, les personnes se trouvent face à une force nouvelle que certains veulent promouvoir encore plus et d'autres veulent museler ou taxer. Une force bipolaire, contenant autant de Yin que de Yang.
Avec la panne de Facebook et de ses satellites (Instagram, Whatsapp...), on reparle aujourd'hui du cyberharcèlement. Les jeunes se retrouvent dans une cour de récréation mondiale en termes d'échanges psychologiques, mais sans la présence physique. Certains, jeunes ou moins jeunes, déséquilibrés ou pas encore conscients, pas encore "construits", trouvent là un vaste terrain de jeu ou se développent sans frein des pulsions normalement réprimées ou éduquées par le contact social, la construction de l'état adulte et la présence physique.
L'État a bien ici un rôle à jouer, car faire reposer sur les familles un problème supranational de contrôle des réseaux et de leur impact sur la jeunesse serait renier le pourquoi d'un pouvoir politique. Faire société, au 21e siècle, c'est bien trouver des réponses globales, par exemple ici au cyberharcèlement.
La politique actuelle de taxation des GAFA est un pas vers la tentative de reprise de contrôle, un pas compliqué par les forces gigantesques en terme financier, un pas insuffisant, car les enjeux ne sont pas que financiers. Les pas suivants sont tout aussi compliqués : mettre de l'éthique dans un phénomène mondial semble aussi incongru que d'imaginer que toutes les religions du monde auraient les mêmes droits et devoirs...
En revanche, le bon visage de l'I.A. pourrait justement venir des progrès en reconnaissance faciale. Au lieu de penser "taxe financière", il pourrait être imaginé de faire pression sur ces réseaux pour contrôler les dates de naissance des utilisateurs. Ainsi, un jeune de 13 ans ne se retrouverait pas connecté s'il était interdit par un système de reconnaissance qui reconnait son acné juvénile. Il n'y a pas vraiment de contrôle dans la limite d'âge pourtant contractuelle et c'est un pain bénit pour les accumulateurs de données que sont les réseaux en même temps qu'une belle hypocrisie venant de ceux-là même qui ont bien les outils technologiques de ce contrôle. Pour autant, il n'est pas souhaitable de laisser à ces géants le loisir d'engranger des données biométriques sur notre jeunesse, même si, clairement, ces données sont déjà entre leurs mains.
Pourquoi alors ne pas imaginer une carte d'identité numérique, régie par l'État comme pour les pièces d'identité actuelles, contrôlé comme il se doit par un organisme vraiment éthique et compétent ? Cette identité numérique nationale pourrait alors devenir la seule porte d'entrée obligatoire à l'inscription aux réseaux sociaux, interdisant ainsi l'accès aux mineurs ou aux moins de seize ans. Ce type d'opération existe dans le secteur de la location saisonnière. Airbnb a mis en place une reconnaissance faciale pour vérifier l'identité des porteurs de RIB, par exemple. Pourquoi l'État ne prendrait-il pas exemple sur ces solutions du monde économique pour les transférer dans le monde du social ?
Cette proposition aurait évidemment ses détracteurs, défendant la liberté historique d'Internet ou la liberté individuelle. Rassurons de suite tous ces défenseurs des libertés : toutes les données dont je parle sont déjà stockées par l'État qui connait tout de nous.
Alors je pose la question : notre société peut-elle, doit-elle, laisser en pâture aux loups mondiaux notre jeunesse innocente quand des moyens existent ?
Stéphan Le Doaré
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